10 avril 2016

Dominique CARDON, Le rêve de l'algorithme

Nous avons reçu le 1er avril à l'Observatoire des médias de l'UP, Dominique Cardon sociologue à Orange Labs et professeur associé à l'université de Marne la Vallée, à propos de son dernier livre aux editions du Seuil A quoi rêvent les algorithmes, nos vies à l'heure des big data




Pour reprendre la définition de Wikipédia, Un algorithme est une suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat. Dominique Cardon fait le parallèle avec une recette de cuisine et la nécessité de toujours calculer et quantifier. Mais les « recettes » comportent toujours dans le big data, des choix moraux, de représentation de la société. En exemple les lois électorales qui visent à refléter les choix politiques des citoyens et donnent des résultats très différents selon que l’on adopte le scrutin uninominale  à un tour ( G.B.) ou la proportionnelle intégrale ( Israël). Dominique Cardon nous invite à mieux connaître nos vies à l’heure du big data.(*)
Il présente les quatre familles du calcul numérique qu’il positionne en référence au web.
1 – A côté du web ou l’imprécise popularité des clics. Ce sont les mesures d’audience qui visent à dénombrer et quantifier la popularité des sites ( pages vues). C’est par exemple Médiamétrie qui mesure les lectorats ou les audiences. Il s’agit bien d’ordonner la popularité des sites sans appréciation qualitative. «  95 % de l’audience va vers 0,03 % des données » souligne Dominique Cardon. La publicité, les médias, sont attentifs à ces quantifications où les risques de manipulation existent.
2 – Au-dessus du web ou l’autorité des méritants. L’algorithme de classement de l’information du moteur de recherche de Google, veut se situer au-dessus du web afin de hiérarchiser l’autorité des sites. Il considère qu’un site qui reçoit d’un autre un lien reçoit en même temps un témoignage de reconnaissance qui lui donne de l’autorité. La première page de Google – Page rank - fait apparaître en premier les sites qui ont reçu le plus de liens hypertextes. C’est un fondement méritocratique. Dominique Cardon précise que «  La visibilité se mérite ou s’achète » qu’il existe des «  Jus de liens » pour monter dans les pages Google, mais le risque existe d’être «  bacasablisé » c'est-à-dire d’être renvoyé de la 1ère à la 20e page de Google si les règles n’ont  pas été respectées.
3 – A l’intérieur du web ou la fabrique de la réputation. Les mesures de réputation qui se sont développés avec les réseaux sociaux d’Internet se positionnent à l’intérieur du web, afin de donner aux internautes des compteurs qui valorisent la réputation des personnes et des produits «  Combien d’amis Facebook ?  de retweet de Twitter ? ». Via les likes il s’agit «  d’affinité et de visibilité », «  Je montre aux gens ce que  j’aime et je construis ma réputation », «  il ne s’agit pas de se mesurer mais de se comparer » précise Dominique Cardon.
4 – Au-dessous du web ou la prédiction par les traces. En calculant les traces de navigation des internautes on vise à prédire leur comportement à partir de celui des autres. «  On va regarder vraiment ce qu’ils font au-delà de  ce qu’il disent » . La machine auto-apprend comme par exemple dans le jeu de go ( Machine learning), et va proposer des publicités à partir des traces laissées sur le web. Ainsi Amazon  va nous suggérer un livre  ou un voyage proche de ceux que nous aimons. Dans ce domaine ce qui importe c’est l’efficacité. Dominique Cardon pose la question «  Sommes-nous simplement la somme  de nos comportements ? Est-ce que l’on se ment à soi-même ? » et d’évoquer le rêve de l’algorithme «  Montre-moi si tu peux faire différemment ! ».
En reconduisant les individus vers leurs comportements passés, les algorithmes entérinent l’ordre social et par la même exercent leur domination.  Mais il y a d’autres moteurs de recherche que Google et malgré tout l’écran ouvre sur le monde. Les réseaux sociaux sont un moyen de sortir d’un cadre trop contraint.
Pour Dominique Cardon il est important de « comprendre et décoder ». Il faut demander aux algorithmes non seulement de nous " montrer  la route -comme le GPS -  mais aussi le paysage ».



(*)  Conférence à partir de son dernier livre A quoi rêvent les algorithmes ? Nos vies à l’heure des big data  octobre 2015 Editions du Seuil La république des idées


 Sur le plateau : Yvon Guillot, Dominique Cardon, Jean-Claude Charrier
Un public nombreux attentif et passionné

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