Au
Rwanda, l'homicide d'un journaliste vaut 860 euros sans autre forme de
procès
À
l'issue d'un procès éclair, le conducteur du véhicule qui a tué le journaliste
rwandais John Williams Ntwali a été condamné à une simple amende. Reporters sans
frontières (RSF) dénonce une procédure opaque qui laisse de nombreuses zones
d’ombre sur les circonstances de sa mort.
À l’issu d’un procès à huis clos ,une procédure
inhabituelle pour un accident de la route, le conducteur du véhicule ayant percuté la moto du rédacteur en chef de The Chronicles,
John Williams Ntwali, a été condamné à une amende
d’un million de francs rwandais (soit environ 860 euros) pour “homicide
involontaire et de coups et blessures non intentionnels”. Selon le
magistrat du tribunal de Kagarama à Kigali, le conducteur, Moïse Emmanuel
Bagirishya, a "plaidé coupable et s'est excusé pour l'accident".
Ce jugement a été rendu sur la base d’une enquête qui n’a
jamais été rendue publique et qui de toute évidence s’est contentée de prendre
en compte l’hypothèse d’un accident, sans explorer d’autres pistes, alors même
que le journaliste considérait que sa vie était en danger les jours précédant sa
mort le 18 janvier 2023, et voulait s’exiler. En 2012, le journaliste, qui
faisait déjà l’objet de menaces, avait été victime d’un accident similaire
auquel il avait survécu.
“860 euros, est-ce le prix d’un homicide
d’un journaliste au Rwanda ? s’interroge le directeur du bureau Afrique de
RSF, Sadibou Marong, qui pointe les nombreuses zones d’ombre qui persistent
autour de la mort de John Williams. La justice ne pourra être rendue qu’une
fois que la vérité sera établie sur les circonstances exactes de la mort de John
Williams Ntwali. Et celle-ci ne peut se faire qu’à travers une enquête
approfondie, indépendante et transparente, que les autorités rwandaises doivent
encore diligenter.”
Connu pour ses enquêtes sur la gouvernance et les violations des droits
humains au Rwanda, John Williams Ntwali, rédacteur en chef de The
Chronicles, était, depuis plus de dix ans, ciblé par les autorités, qui
l’ont arbitrairement détenu et menacé à plusieurs reprises. L’un de ses sites
d’information, Ireme News, avait également fait l’objet d'attaques
informatiques.
Sa mort a créé une vague d’indignation dans la communauté
des défenseurs de la liberté de la presse. RSF s’était d’ailleurs joint à une coalition d’organisations de la société civile et
d’associations de journalistes pour demander aux autorités rwandaises de
garantir une enquête indépendante.
Le Rwanda occupe la 136e place sur 180
au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF
en 2022. -- REPORTERS
SANS FRONTIÈRES/ REPORTERS WITHOUT BORDERS Sadibou Marong Responsable du bureau Afrique / Head of the Africa
desk +221 70 960 40 92 Dakar, Sénégal
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