27 novembre 2013

Observatoire des médias de Nantes - université permanente

L'Observatoire des médias de l'université permanente de Nantes a repris ses conférences débats le 15 novembre en recevant Alain Le Gouguec président de Reporters sans frontières, sur le thème " Les journalistes son-ils vraiment libres ?"


« Les journalistes sont-ils vraiment libres ? OUI, mais » répond le président de Reporters sans frontières, Alain Le Gouguec, devant l’Observatoire des médias le 15 novembre 2013.


Pour répondre à la question, Alain Le Gouguec fait appel à la conscience personnelle et professionnelle du journaliste, qui ne doit pas être militant, mais doit être engagé au service de la vérité. Et de citer Saint Jean « Seule la vérité nous rend libres ».
Les illustrations données par Alain Le Gouguec, dans sa propre expérience, tempèrent d’emblée la portée de ce principe. Le journaliste doit résister aux pressions « amicales » qui s’exercent sur plusieurs plans. Le plan politique : à la Dépêche du Midi, à ses débuts dans les années 70, sur la photo en première page qu’il doit préparer « Il n’est pas question que le micro dans lequel parle Robert Fabre – Sud Ouest oblige - soit plus petit que celui de François Mitterrand et de Georges Marchais ! ». Ou sur le plan économique à propos d’un conflit social dans une grande enseigne commercial « C’est notre principal annonceur ! ce n’est pas possible ». Quelle que soit la résistance du journaliste, c’est le patron de la rédaction ou le directeur du journal qui décide en dernier ressort.
Il faut aussi parler de l’autocensure, du panurgisme et de l’auto-alimentation qui peuvent régner dans une rédaction, qu’Alain Le Gouguec souhaite la plus ouverte possible. La formation – le formatage pour certains – des journalistes issus de plus en plus de filières « élitistes » et parisiennes, est souligné avec cette question posée lors d’épreuves orales à de futurs journalistes bardés des meilleurs diplômes « Racontez-moi ce vous avez-vous vu dans le métro ce matin, en venant ici ? ». Question désarçonnante ! Mais qui est au cœur du métier de journaliste qui doit d’abord rapporter des faits, « dire ce qu’il voit » vérifier ses sources, les recouper, et le cas échéant, hiérarchiser les informations. Illustration avec l’exemple de Nicolas Poincaré, l’un des meilleurs grands reporters de sa génération, qui en 40 secondes d’antenne, en arrivant sur le lieu d’un attentat, décrit ce qu’il voit, ce qu’il sent ( gaz ?), ce qu’il entend, alors que certains confrères cherchent en priorité le capitaine des pompiers, pour lui tendre le micro. Hommage rendu à cette occasion à l’américain Stephen Smith, un des meilleurs journalistes pour le continent africain.
Une large part est consacrée aux journalistes très exposés dans les pays du monde en conflit, et les pays où les journalistes étrangers où locaux sont indésirables. Un hommage particulier est rendu par Alain Le Gouguec aux journalistes français qu’il a côtoyé et apprécié comme responsable de RFI (Radio France International) en Afrique : Ghislaine Dupont et Claude Verlon, récentes victimes d’Al Qaïda Maghreb Islamique (AQMI) et Jean Hélen froidement exécuté par un sergent de police à Abidjan en 2003 sous le régime du président Gbagbo. La liste est longue dans le monde avec un journaliste tué tous les quatre jours. Un crime sur dix est élucidé… Reporters sans frontières a entrepris des démarches pour que l’assassinat de journalistes soit considéré, du point de vue du droit international non seulement comme un « crime de guerre» mais que de véritables moyens soient donnés pour l’application effective de la résolution n° 1738 de l’ONU.
Il constate la place prise par des journalistes indépendants « free-lance », Web journalistes ou bloggeurs notamment dans les pays fermés à la liberté d’informer, et les possibilités offertes pour la circulation de l’information du fait de la révolution numérique (exemple clé USB inviolable).
La France n’occupe que le 37e rang mondial pour la liberté de la presse ( voir site www.fr.rsf.org)


Des progrès sont en cours pour la protection des sources, mais la « raison d’Etat » est avancée dans certaines affaires. Alain Le Gouguec souligne que le poids du lobby militaro-industriel n’est pas une exclusivité américaine : il existe également en France. Notre position a l’égard des rançons pour les otages, peut apparaître incertaine. Autant de questions qui font de la liberté de presse une éternelle conquête à laquelle Reporters sans frontières participe très efficacement.

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