20 octobre 2009

Justice et médias

A propos de l'émission " Votre Télé et vous " quelques éléments autour du procès Clearstream et autres :
Justice et médias sont vraiment au coeur de l'actualité quotidienne. Il suffit de voir chaque jour, la place occupée par les affaires judiciaires, qui commence souvent par les faits divers ( faits de socièté ), dans le premier quart d'heure des journaux télévisés. Il y aurait une étude intéressante à faire à ce sujet, qui illustre à la fois la place de l'émotion dans les grands médias et la judiciarisation croissante de la société.
Je trouve que le traitement des procès à la télévision - diifficile certainement - donne une vision déformée de la réalité. Puisqu'il faut des images, du vivant, et de l'émotion, et que les caméras ne peuvent pénétrer dans le prétoire, le procès médiatique supplante le procès judiciaire en donnant - quasi exclusivement - le micro aux avocats des parties civiles ou des accusés. Certains avocats savent très bien jouer de ce pouvoir afin d'accentuer la pression médiatique sur les juges. Les victimes apporte aussi souvent le témoignage de leur douleur ou de leur mécontement. Cela peut parfois aboutir à des vrais déséquilibres. J'ai le souvenir du procès Colonna où, semble-t-il la famille du préfet Erignac, ne souhaitait pas intervenir, via leur avocat, chaque jour devant les caméras, ce qui laissait la place aux avocats de la défense, qui en ont bien profité.

Dans le procès Clearstream, l'aspect " show" est spectaculaire, avec les entrées et sorties des "artistes" qui pour certains saluent au passage la presse. Il y a une véritable mise en scène autour du procès.L'intervention de Villepin le 21 septembre a l'image du serment du jeu de paume " Je suis ici par la volonté d'un homme..je suis ici par l'acharnement d'un homme...J'en sortirai libre et blanchi au nom du peuple français !" Les avocats doivent être des spécialistes des petites phrases, qui seront reprises en boucle par tous les JT. Comment Me Collard sait attirer les micros ( et les clients !). La petite phrase prêtée à Sarkosy " sur les coupables " qui finiront à un croc de boucher ", vraie ou fausse, est aussi venue augmenter la pression. Ce procès n'est pourtant pas dramatique, comme le procès Outreau, mais relève davantage de la comédie, du combat de coqs...
Dans ce tourbillon, le rôle du journaliste, chroniqueur judicaire , n'est pas facile et j'admire souvent la qualité des compte-rendus et le souci d'équilibre dont ils font preuve. Je crains pourtant que leurs analyses laissent moins de place dans la mémoire du téléspectateur, que les exercices des avocats ou les larmes des victimes. Mais peut-être que cela participe d'une sorte de thérapie sociétale indispensable à notre époque de reality show...

Un mot encore à propos des juges. J'ai, comme jeune inspecteur des impôts, dans les années 70, connu une période où, de part notre formation, le contexte de l'époque, la sortie de quelques " affaires" comme la feuille d'impôts de Chaban Delmas, nous pouvions nous sentir investi d'une grande mission d'ordre public, pouvant conduire à des dérapages. J'ai parfois le sentiment qu'aujourd'hui, certains jeunes magistrats sont dans ce syndrome fortement accentué par la médiatisation.
Autres questions sur les rapports justice - médias
Qu'en est-il des " chargés de com " auprès des tribunaux pour exprimer le point de vue du parquet ?
Que pensez de la transmission en direct, par écrit sur internet, des comptes rendus des procès ( Cf. AZF et France 3 Sud ) ?
Et le secret de l'instruction ? Comment fait L'Est républicain pour avoir autant d'informations cf. Julien Dray ?
Voilà quelques réflexions rapides sur le sujet.