Zemmour/Guillon et Bilger
Extrait d'un article de Brice Couturier à propos des polémiques très sélectives concernant Eric Zemmour ( qui sera au printemps du Livre à Montaigu le 9 avril ) et Stéphane Guillon sur France Inter pour sa chronique sur Eric Besson. Notre invité du mois de décembre Philippe Bilger apparait comme une victime colatérale de la " chasse" au Zemmour !
Zemmour/Guillon: Orwell reviens, ils sont devenus fous
Par Brice Couturier...
A quoi reconnaît-on une société totalitaire, d’après Orwell ? A sa novlangue. Au fait qu’un interdit social pèse sur le simple constat de réalités que chacun a sous les yeux. A ce que des institutions spécialisées font la chasse aux “mots interdits” et punissent ceux qui les profèrent. A ce qu’il devient prohibé de prononcer de simples évidences, dans le but de créer, chez les sujets, l’accoutumance à des phénomènes de double-conscience : je sais que c’est mauve, mais c’est vert qu’il faut dire. Il faut n’avoir jamais acheté de drogue de sa vie pour ignorer encore que la grande majorité des dealers de drogue sont noirs et maghrébins. Comme les marchands de charbon, autrefois, étaient auvergnats. Comme les Corses dominaient le milieu dans les années 1940-1960.
Pour avoir relevé ce fait, que beaucoup de non-consommateurs peuvent, eux aussi, constater de la fenêtre de leur immeuble, Eric Zemmour, dont je ne partage pas toutes les idées, risque son job de chroniqueur au Figaro. On rêve. L’un des rares à relever l’incongruité de cette situation, l’avocat général de la Cour d’Appel de Paris, Philippe Bilger écrit sur son blog : “je propose à un citoyen de bonne foi de venir assister aux audiences correctionnelles et parfois criminelles à Paris et il ne pourra que constater la validité de ce fait. […] Tous les Noirs ou les Arabes ne sont pas des trafiquants, mais beaucoup de ceux-ci sont Noirs et Arabes.” Mais le paradoxe de la situation que nous traversons veut que, la même semaine, un autre humoriste, bizarrement classé à gauche, lui, dérape de manière autrement plus grave en accusant Eric Besson d’être un sous-marin du Front National, infiltré d’abord au PS, puis à l’UMP.
Et voilà que les mêmes bonnes âmes qui accablent Zemmour, courent au secours de Guillon. Parfaite illustration de ce que Raymond Aron appelait un double standard moral. Voyons pourquoi.
.....
Stéphane Guillon s’en prend au “physique antipathique” de Besson, à “ses yeux de fouine, son menton fuyant, un vrai profil à la Iago, idéal pour trahir.” Ayant travaillé sur ce sujet pour une très ancienne maîtrise, je peux assurer que la polémique de gauche, par tradition, ne recourt jamais à ce genre de stylistique. Elle peut être très violente dans le combat d’idées, menacer de mort l’adversaire, mais jamais, par principe, elle ne s’en prend à son apparence physique. Et je trouve dramatique qu’un tel tabou soit tombé.
Il est plus facile de s’indigner à bon compte que de s’informer. Bimi, disais-je, bien intentionné, mal informé. Accuser Eric Besson d’être un sous-marin du FN et un raciste est d’une grande injustice et manifeste une absence complète d’information. Il suffirait à Stéphane Guillon d’avoir, par exemple, pris la peine de lire le livre de réglement de comptes de Sylvie Brunel, l’ex-épouse de Besson, pour savoir à quoi s’en tenir à ce sujet.
Citations : “Nous vivons dans une ville connue pour son importante population d’origine maghrébine, ce qui lui a valu longtemps d’avoir d’avoir mauvaise réputation - Comment avez-vous pu choisir de de vous installer à Donzère ? C’est le Bronx ! nous a-t-on dit lorsque nous y avons acheté notre maison en 1989.” “Les immigrés avaient été parqués dans une cité HLM assez glauque, baptisée de façon suggestive “l’Enclos”. Eric [Besson, devenu maire] a mis un point d’honneur à le réhabiliter, refaire la crèche, créer des espaces verts et un terrain de sport tellement beau que pas un jeune n’a osé le dégrader depuis. ” “Mon Mari [Eric Besson] est considéré comme celui qui a réconcilié les communautés et pacifié la ville. Personne n’oublie qu’il est né à Marrakech et qu’il a vécu dix-huit ans au Maroc. Peu savent, en revanche, que sa grand-mère maternelle ne parlait pas français.” (Manuel de Guérilla à l’usage des femmes, p. 144, 145) A Donzère, Eric Beson a attaqué politiquement un FN qui y réalisait des scores extravagants. Et il a obtenu, lui, des résultats en ce domaine que les billets d’humoristes quotidiens sont bien incapables de produire. Quand ils n’ont pas l’effet inverse à celui qui est recherché : l’exaspération d’une population - qui ne vit pas dans les beaux quartiers, mais peut-être dans ceux où l’on vend de la drogue aux enfants - envers les humoristes matinaux ignorant les fins de mois difficiles.
L’humoriste de droite Eric Zemmour est attaqué de toutes parts pour avoir osé dire à un micro ce que tout le monde sait pour vrai et que confirme l’une des personnalités les mieux informées dans le domaine. Ceux qui s’en scandalisent devraient plutôt travailler à expliquer un phénomène qui a des causes objectives dans la réalité sociale de nos quartiers : lorsque l’accès à l’emploi est rendu impossible, il ne reste que le “bizness”. La même semaine, l’on court au secours de l’humoriste de gauche Stéphane Guillon, menacé d’une éventuelle réprimande, pour avoir lancé une accusation mensongère à un autre micro. Double standard moral. Aron parlait aussi, à propos de Sartre, d’un “moralisme à sens unique” (Polémiques, 1955), qui fait qu’on se scandalise ou s’émerveille des mêmes actes, selon qu’ils sont commis par l’adversaire ou par l’allié politiques. Et dans l’Opium des intellectuels, il explique le “double jeu de la rigueur et de l’indulgence” auquel parvient l’intellectuel aveuglé par l’esprit partisan. Qu’on en soit encore là dans ce pays 20 ans après la fin de la guerre froide est affligeant.
Brice Couturier
Zemmour/Guillon: Orwell reviens, ils sont devenus fous
Par Brice Couturier...
A quoi reconnaît-on une société totalitaire, d’après Orwell ? A sa novlangue. Au fait qu’un interdit social pèse sur le simple constat de réalités que chacun a sous les yeux. A ce que des institutions spécialisées font la chasse aux “mots interdits” et punissent ceux qui les profèrent. A ce qu’il devient prohibé de prononcer de simples évidences, dans le but de créer, chez les sujets, l’accoutumance à des phénomènes de double-conscience : je sais que c’est mauve, mais c’est vert qu’il faut dire. Il faut n’avoir jamais acheté de drogue de sa vie pour ignorer encore que la grande majorité des dealers de drogue sont noirs et maghrébins. Comme les marchands de charbon, autrefois, étaient auvergnats. Comme les Corses dominaient le milieu dans les années 1940-1960.
Pour avoir relevé ce fait, que beaucoup de non-consommateurs peuvent, eux aussi, constater de la fenêtre de leur immeuble, Eric Zemmour, dont je ne partage pas toutes les idées, risque son job de chroniqueur au Figaro. On rêve. L’un des rares à relever l’incongruité de cette situation, l’avocat général de la Cour d’Appel de Paris, Philippe Bilger écrit sur son blog : “je propose à un citoyen de bonne foi de venir assister aux audiences correctionnelles et parfois criminelles à Paris et il ne pourra que constater la validité de ce fait. […] Tous les Noirs ou les Arabes ne sont pas des trafiquants, mais beaucoup de ceux-ci sont Noirs et Arabes.” Mais le paradoxe de la situation que nous traversons veut que, la même semaine, un autre humoriste, bizarrement classé à gauche, lui, dérape de manière autrement plus grave en accusant Eric Besson d’être un sous-marin du Front National, infiltré d’abord au PS, puis à l’UMP.
Et voilà que les mêmes bonnes âmes qui accablent Zemmour, courent au secours de Guillon. Parfaite illustration de ce que Raymond Aron appelait un double standard moral. Voyons pourquoi.
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Stéphane Guillon s’en prend au “physique antipathique” de Besson, à “ses yeux de fouine, son menton fuyant, un vrai profil à la Iago, idéal pour trahir.” Ayant travaillé sur ce sujet pour une très ancienne maîtrise, je peux assurer que la polémique de gauche, par tradition, ne recourt jamais à ce genre de stylistique. Elle peut être très violente dans le combat d’idées, menacer de mort l’adversaire, mais jamais, par principe, elle ne s’en prend à son apparence physique. Et je trouve dramatique qu’un tel tabou soit tombé.
Il est plus facile de s’indigner à bon compte que de s’informer. Bimi, disais-je, bien intentionné, mal informé. Accuser Eric Besson d’être un sous-marin du FN et un raciste est d’une grande injustice et manifeste une absence complète d’information. Il suffirait à Stéphane Guillon d’avoir, par exemple, pris la peine de lire le livre de réglement de comptes de Sylvie Brunel, l’ex-épouse de Besson, pour savoir à quoi s’en tenir à ce sujet.
Citations : “Nous vivons dans une ville connue pour son importante population d’origine maghrébine, ce qui lui a valu longtemps d’avoir d’avoir mauvaise réputation - Comment avez-vous pu choisir de de vous installer à Donzère ? C’est le Bronx ! nous a-t-on dit lorsque nous y avons acheté notre maison en 1989.” “Les immigrés avaient été parqués dans une cité HLM assez glauque, baptisée de façon suggestive “l’Enclos”. Eric [Besson, devenu maire] a mis un point d’honneur à le réhabiliter, refaire la crèche, créer des espaces verts et un terrain de sport tellement beau que pas un jeune n’a osé le dégrader depuis. ” “Mon Mari [Eric Besson] est considéré comme celui qui a réconcilié les communautés et pacifié la ville. Personne n’oublie qu’il est né à Marrakech et qu’il a vécu dix-huit ans au Maroc. Peu savent, en revanche, que sa grand-mère maternelle ne parlait pas français.” (Manuel de Guérilla à l’usage des femmes, p. 144, 145) A Donzère, Eric Beson a attaqué politiquement un FN qui y réalisait des scores extravagants. Et il a obtenu, lui, des résultats en ce domaine que les billets d’humoristes quotidiens sont bien incapables de produire. Quand ils n’ont pas l’effet inverse à celui qui est recherché : l’exaspération d’une population - qui ne vit pas dans les beaux quartiers, mais peut-être dans ceux où l’on vend de la drogue aux enfants - envers les humoristes matinaux ignorant les fins de mois difficiles.
L’humoriste de droite Eric Zemmour est attaqué de toutes parts pour avoir osé dire à un micro ce que tout le monde sait pour vrai et que confirme l’une des personnalités les mieux informées dans le domaine. Ceux qui s’en scandalisent devraient plutôt travailler à expliquer un phénomène qui a des causes objectives dans la réalité sociale de nos quartiers : lorsque l’accès à l’emploi est rendu impossible, il ne reste que le “bizness”. La même semaine, l’on court au secours de l’humoriste de gauche Stéphane Guillon, menacé d’une éventuelle réprimande, pour avoir lancé une accusation mensongère à un autre micro. Double standard moral. Aron parlait aussi, à propos de Sartre, d’un “moralisme à sens unique” (Polémiques, 1955), qui fait qu’on se scandalise ou s’émerveille des mêmes actes, selon qu’ils sont commis par l’adversaire ou par l’allié politiques. Et dans l’Opium des intellectuels, il explique le “double jeu de la rigueur et de l’indulgence” auquel parvient l’intellectuel aveuglé par l’esprit partisan. Qu’on en soit encore là dans ce pays 20 ans après la fin de la guerre froide est affligeant.
Brice Couturier
Libellés : Brice Couturier, Eric Zemour, Orwell, Philippe Bilger, Stéphane Guillon, Sylvie Brunel
1 Comments:
Cet article est appréciable. Son seul défaut est de ne pas être mis sous les yeux de chaque citoyen de France. Les propos de Zemmour sonneraient tout à fait autrement dans l'opinion publique. Ce qui, par contre, est inquiétant, c'est que des "professionnels des médias"
(mot galvaudé s'il en est) s'engoufrent de la sorte dans une chasse aux sorcières. L'argent est vraiment le nerf de la guerre : polémiquer pour vendre. Je n'ose imaginer une autre cause à la politique de l'autruche dont font montre certains par rapport aux problèmes de l'immigration, de l'intégration, voire de l'intégrisme.
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