1 avril 2010

Le Pérou

Un ami d'enfance, prêtre, qui a beaucoup exercé en Afrique et au Pérou où à 67 ans il vient de retourner, donne périodiquement de ses nouvelles par circulaire. L'extrait qui suit est passionnant sur la vie au quotidien dans une ville qui s'appelle Huaycan.

LES MURS DE CONTENTION ET LES “MERES COURAGE

Un des problèmes de Huaycan est l’ hábitat à flanc de montagne. Quand j’ ouvre ma porte – j’ habite seul une petite maison confortable au pied des monts- je suis subjugué par un grand escalier, qui tel l’ èchelle de Jacob, monte jusqu’ au ciel; au bout de 284 marches – j’ ai compté- et tout là-haut il y a encore les petites maisons, typiques, en bois de recup’ juchées sur les sommets. Cet habitat est dangereux, à cause des éboulements, où simplement d’ une pierre qui dévale et qui transperce les chaumières comme si c’ était des boîtes d’ alumettes., sans parler des enfants et des personnes âgées.
C’ est pourquoi le gouvernement du très néoliberal Alan Garcia a instauré les chantiers d’ intérêt public : on établit des paliers horizontaux, qui font office de rues pour la sécurité et la viabilité.. Chantiers de terrassements, qui s’ appuient sur des murs de contention, lequel mur fait deux mètres d’ épaisseur à la base et 60 cm au sommet, Vendredi j’ ai visité une dizaine de chantiers pour saluer mes amis qui me connaissent et les inviter à la Semaine Sainte.
Qui sont les travailleurs? à 90 % des femmes. Les hommes se réservent les emplois nobles de tailleurs de pierre, de maçons et de chefs.. Tout le monde porte un uniforme rouge et une large ceinture noire obligatoire pour soutenir les abdominaux, comme les sportifs haltérophiles. On travaille à la manière de “nos ancêtres les incas”, c’ est-à-dire que l’ outillage est identique à celui du quinzième siècle. Je n’ ai pas vu de brouettes (les incas n’ avaient pas inventé la roue !), mais tout est transporté dans les “mantas” (*1), des toiles fortes pour porter les pierres, la terre et le sable.. J’ ai vu dix femmes soulever une pierre de 80 kilos dans la manta. Les seuls outils sont les pelles, les pioches et les barres à mine.. C’ est une chaîne humaine qui apporte les seaux de béton, les pierres et les sacs de sable ou de terre. Huit heures par jour, cinq jours par semaine, le salaire payé à la semaine est de 80 soles, 336 sole par mois ( = 84 €), alors que le salaire mínimum d’ un ouvrier d’ usine est de 600 soles par mois, près du double.
Une femme très jeune, avec son parler franc, que j’ aurais plutôt vu à l’ université, me fait : “Padrecito, tu as sous les yeux les esclaves des temps modernes”: Les autres pouffent de rire, elles disent :.”c’ est une rebelle, elle a le diable au corps”
J’ ai une vive conscience d’ être le pasteur de ces “mères courage”, même si en visitant les chantiers je me sens un peu ridicule, car je n’ aurais pas la force de travailler ainsi sous le soleil par 28 degrés à l’ ombre, J’ espére avoir l’ occasion de rencontrer celle que les autres appellent la rebelle pour lui dire que Jésus a proclamé “bienheureux” ceux et celles qui avaient faim et soif de justice..
......
(*1)´la manta péruvienne est une toile de coton aux couleurs chatoyantes pour porter le bébé dans le dos::: la femme porte l’ enfant; curieux progrès qui lui fait porter des cailloux !

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