La Loire, mémoire spectacle et tragédies
A propos du débat sur la Loire...
La Loire n’est pas un long fleuve tranquille. A Nantes elle a plusieurs pages tragiques, que l’on retrouve plus ou moins facilement, en longeant ses rives.
La Loire n’est pas un long fleuve tranquille. A Nantes elle a plusieurs pages tragiques, que l’on retrouve plus ou moins facilement, en longeant ses rives.
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage ouvert en mars 2012 est le lieu de mémoire qui retient
d’abord l’attention. Sur les quais du bras de la Madeleine et à proximité du centre-ville, il fait
consensus auprès des Nantais malgré les
réserves formulées par certains sur le coût de l’ouvrage. A la fois par sa
thématique de nature à faciliter un
dialogue ouvert sur des pages douloureuses de l’histoire nantaise, et une prise
de conscience de tout ce qui reste à faire pour abolir définitivement l’esclavage
dans le monde. De même par le parti pris
architectural qui dans son aspect souterrain, mais ouvert sur le fleuve et ses
prolongements outre-mer, incite à la méditation sur les crimes commis dans le
passé négrier de Nantes. Si j’ajoute que l’esplanade vient en aval s’appuyer
sur l’un des piliers de l’ancien pont transbordeur à proximité du pont Anne de
Bretagne, ce sont autant de traces présentes sur la rive droite du fleuve qui
rappellent l’étroite imbrication de l’histoire nantaise et de la Loire.
Dans les
aspects mémoriels qui s’attachent à la Loire à Nantes, regardons la fresque du mur de Royal de Luxe près de la station Hôtel
Dieu. La Loire y figure en bonne place avec plusieurs évènements dont elle a
été le théâtre. Une place d’honneur est
consacrée au plongeur du pont
transbordeur, le jeune émigré polonais Willy Wolff, 27 ans. Nous étions le 31 mai
1925, un dimanche. Avant le grand saut il vendait les cartes postales de
« l’homme qui va mourir »
cf. photos; ce qui, hélas ! se produisit
devant les yeux de milliers de Nantais. Relisons Le Populaire du 1er
juin « …Il est cinq heures un
quart…Assis sur le trapèze, Willy Wolff salue le peuple roi, tel un acrobate
sous la toile du cirque. Il jette son mouchoir et s’entoure de deux torches
dont la flamme fragile danse au gré du vent. Il exécute plusieurs rétablissements
sur la base du trapèze puis se prépare à plonger…Il plonge. Un instant, on voit
son corps au-dessus des flots, qui cherche à rétablir son équilibre. Une immense gerbe d’eau s’ouvre et se
referme sur lui… » Willy Wolff ne pourra être secouru et son corps
sera retrouvé six jours plus tard au
Pellerin « Beau comme il l’était dimanche
encore » écrira Le Populaire (cf. Jacques Sigot Les ponts à transbordeur Editions de la Houdinière).
Il y a eu beaucoup de noyés anonymes en Loire. Le mur de Royal de Luxe n’oublie pas
d’illustrer ceux qui l’ont été de façon criminelle sur ces mêmes lieux dans la
période de Terreur de la Révolution française. Je parle des noyades en Loire de novembre 1793
à février 1794, appelées à l’époque « déportations
verticales », ordonnées par Jean-Baptiste Carrier en mission pour la
Convention, qui ont fait plusieurs milliers de victimes. De 1800 à 4000 selon l’historien
Jean- Clément Martin et beaucoup plus pour d’autres auteurs. Bien sûr, il s’agit
des vaincus de l’Histoire : prêtres réfractaires, aristocrates, soldats et
familles avec enfants et vieillards, de l’armée vendéenne décimée. Considérés
comme des ennemis de la révolution et de la liberté, leur sort a été scellé
selon un processus sommaire et expéditif
qui préfigurait de nombreux crimes de régimes totalitaires. La Loire est aussi
un cimetière…
C’est un thème de méditation toujours d’actualité qui
parait dans la mémoire nantaise encore empreint d’un surmoi idéologique qui
tend à minimiser, voire ignorer ces évènements. Certes des associations vendéennes
les commémorent mais dans une vision très unilatérale. A ma connaissance, rien
sur les bords de la Loire ne rappelle ces exécutions, si ce n’est à proximité, une
modeste plaque rue Lamoricière devant l’ Ancien
entrepôt des cafés, à l’emplacement d’une des prisons où s’entassaient
beaucoup des futurs « déportés
verticaux ».
220 ans après,
cette mémoire ne doit-elle pas être mieux partagée, là où ces crimes se sont
produits ?
Diffusé auprès du conseil de développement de Nantes Métropole le 12 décembre 2014
Libellés : abolition de l'escalavage, Jean-Baptiste Carrier, la Loire, Le Populaire, Mémorial, Noyades de Loire, Willy Wolf
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home