6 janvier 2016

Julia Cagé, la presse et Jean-Paul Sartre

Julia Cagé , jeune ( 31 ans), provinciale d’origine, normalienne, diplômé de Harvard, partage avec sa sœur jumelle un parcours remarquable de grandes écoles . Professeur d’économie à Sciences Po, elle nous  a fait part dans la présentation de son itinéraire, de sa vocation d’étudiante  «  Je voulais être Jean-Paul Sartre ! ». Pour le talent et pour  la liberté. Elle veut sauver la presse, en s'en donnant les moyens. Elle est par ailleurs depuis 2014, mariée à Thomas Piketty.



La liberté et la démocratie, la défense de le l’information comme bien public, c’est ce qui a motivé sa démarche dans le livre très remarqué qu’elle a publié en janvier 2015 «  Sauver les médias, Capitalisme, financement participatif et démocratie ».
Avec beaucoup d’enthousiasme, de passion et de simplicité, Julia Cagé, a fait une présentation, à la fois du diagnostic national et international de l’information, du journalisme et des entreprises de presse, marqués par  «  La fin des illusions » et de ses propositions d’un nouveau modèle pour le XXIè siècle. C’est notamment la proposition de créer un nouveau type d’entreprise de presse, la «  Société de média à but non lucratif » qui a fait l’objet de nombreux commentaires dans le milieu de la presse lors de la parution.
A la question de Jacques Gagneur «  Si le gouvernement vous confiait  demain une mission de six mois pour résoudre la crise de la presse, que proposeriez-vous ? »
La réponse instantanée et structurée fuse immédiatement :
 1/ En premier lieu, je ferai respecter la loi sur la concurrence, et les règles qu’elle impose
2/ Ensuite je m'attacherai à l'indépendance des journalistes, par une charte professionnelle et l’autorité du CSA
3/ Après, il faudra prendre des mesures qui garantissent la transparence quant à la propriété des médias
4/ Enfin, il s'agira de créer un statut de Société de médias, le statut de «  société de média à but non lucratif » intermédiaire entre le statut de fondation et celui de société par actions. 

Elle relève dans le paysage français de la presse d’information,  des modes d’organisation liés à une histoire spécifique, qui garantissent l’indépendance (Ouest France, Canard Enchaîné, La Croix, Médiapart) et les particularités de la revue XXI. Ayant participé la veille, au déménagement de Libération, Julia Cagé montre comment Patrick Drahi en a fait l’acquisition comme levier d’influence et de pression sur l’Etat.
Elle évoque  le système d’aide à la presse beaucoup trop complexe  où le poids de l’Etat est excessif. Il est urgent de repenser les lois qui encadrent le pluralisme des médias, et les lois anti-concentration sont datées (On ne connaissait pas Internet à l’époque).
A l’exemple des Etats-Unis, Julia Cagé montre que la crise est sévère : il y a de moins en moins de journalistes par journal, un journaliste titulaire du prix Pulitzer peut être licencié du jour au lendemain pour des motifs économiques. Les journalistes sont guettés par les conflits d’intérêts, l’autocensure. La concentration des médias est anti-démocratique. Aux Etats-Unis, la démocratie est « achetée » par les plus fortunés : 0,1% de la population financent 40% des campagnes présidentielles.

A ses yeux, la pluralité et la qualité de l’information ne peut être assurée s’il y a de moins en moins de groupes indépendants des grands industriels. Julia Cagé veut s’engager pour le pluralisme des médias.

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