10 janvier 2011

Syndrome rwandais : réponse à Jean-Claude Guilbaud

Dans le dernier n° de La vie, Jean-Claude Guilbaud aborde dans sa chronique hebdomadaire, la situation en Côte d'Ivoire sous un angle, à mes yeux, très contestable - le titre " Syndrome rwandais ?" - est significatif de sa position.
Je lui est fais part de mon total désaccord.

Cher Monsieur Guillebaud,
M'intéressant beaucoup à l'évolution des médias, j'avais l'intention il y a quelque temps, de vous dire tout le bien que je pensais de votre chronique sur le suivisme et le conformisme dans le monde de l'information. Je ne l'ai pas fait faute de temps et, sans doute, en conformité avec la constante attitude des lecteurs ou auditeurs, plus prompts à critiquer qu à féliciter. C'est donc une vive indignation qui me conduit à réagir à votre dernière chronique " Syndrome rwandais ?".Sur le plan du raisonnement d'abord : " cette unanimité qui m'a dérangé". Ce n'est pas parce que la presse et les responsables politiques sérieux ( j'écarte Rolland Dumas !) disent que Allassane Ouattara est le président légitimement élu de la Côte d'Ivoire - que je connais un peu pour y avoir été pendant quatre ans coopérant - et qu'il faut s'attacher à créer les conditions pour qu'il puisse exercer son mandat, qu'ils ont tort et qu'il faut prendre le contre pied. Ce raisonnement à la " on ne me la fait pas !" peut très bien conduire à soutenir ou trouver des qualités à tous les négationnistes qui n'ont jamais eu autant d'audience. Laurent Gbagbo " innocent" ou victime, c'est quand même passer rapidement par pertes et profits ses conditions d'accès au pouvoir, son maintien au pouvoir depuis cinq ans illégalement, les centaines ou milliers de victimes des escadrons de la mort, le chantage permanent à l'égard des résidents étrangers, etc.



Vous faites ensuite référence à l'article du Monde que j'ai sous les yeux, et à la répartition des voix entre le nord ayant voté Ouattara et le sud, Gbagbo. C'est tout à fait vrai pour le premier tour - qui s'en étonnerait ? - mais inexacte pour le second tour où le report des voix de Konan Bédié, s'est fait majoritairement sur Ouattara, au-delà de toute considérations ethniques ou religieuses. Quand on sait le lourd contentieux qu'il y a eu entre les deux hommes dans les années 90 notamment autour du concept d'ivoirité, créé par Bédié pour écarter Ouattara de la présidentielle, on mesure le chemin démocratique et civique parcouru. Pour illustrer mon propos, la région côtière de Bas-Sassandra a donné au deuxième tour plus de 50 % des voix à Ouattara et même davantage pour les régions du centre, autour de Yamoussoukro fief de Konan Bédié et et fief historique du " vieux" Houphouët Boigny. Je ne comprends pas pourquoi vous prenez prétexte du fait qu'il y a des réflexes ethniques - mais beaucoup moins que vous ne le dites - pour affirmer que la solution militaire "serait forcément sanglante" ?
Vous prolongez ensuite cette réflexion en vous appuyant sur des points de vue, certainement honorables, mais qui ne sont pas ivoiriens, et qui vous incitent à écrire que dans cette affaire les Occidentaux qui ont - évidemment - une vision simpliste des choses, laisseraient" prévaloir peu à peu la même logique massacreuse qu'au Rwanda" ! Là j'aurais envie de mettre cinq points d'exclamation, tant cette assertion me paraît gratuite, simplificatrice, outrancière et pour tout dire consternante. Comment pouvez- vous faire un tel rapprochement dans un contexte qui n'a rien à voir. Nous sommes avec une élection présidentielle incontestable, d'une portée démocratique énorme pour toute l'Afrique, vitale pour un pays qui montre sa maturité, et vous reprenez la petite musique du " complot occidental" prêt à tout, comme si ce n'était pas la communauté internationale, Afrique y compris, toute entière qui souhaitait que cette élection soit respectée. J'aurais envie d'écrire - la colère m'égare ! - que l'esprit de Munich conduit comme le disait Churchill, au déshonneur et à la guerre, et qu'inciter Laurent Gbagbo à se comporter comme Mugabé au Zimbawée ne peux conduire qu'à une impasse sanglante.
Vous allez sans doute me dire que je sors des phrases de leur contexte en les interprétant abusivement. C'est une pratique courante dans la presse ! et c'est ce que perçois dans votre chronique.

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