12 décembre 2018

L'Afrique un continent qui change



Je remercie Patrice Saint André pour son compte rendu de la conférence de Stephen Smith

Université Permanente – Observatoire des Médias
Afrique et Europe, défis démographiques,
enjeux politiques et économiques
Stephen Smith, professeur d'études africaines à l'Université Duke (USA)

Présentation de la conférence : Jean-Claude Charrier
(7 décembre 2018, amphi 8 de Faculté de médecine)

Stephen Smith, de père américain et de mère allemande, acquiert la culture française par la suite. Des études à Berlin, à la Sorbonne, une année sabbatique en Afrique, Stephen Smith travaille pour Radio France Internationale, puis comme correspondant à Libération et au journal Le Monde. Il est actuellement responsable des études africaines à l'Université Duke en Caroline du Nord aux Etats-Unis. En introduction de la conférence, Jean-Claude Charrier remercie le conférencier et son épouse, Géraldine Smith, journaliste et auteure d'un ouvrage Vu en Amérique, bientôt en France (Stock, octobre 2018) également Rue Jean-Pierre Timbaud (Stock 2016).



 Stephen Smith et Jean-Claude Charrier 

D'emblée, Stephen Smith dresse son constat : « Nous sommes passés à côté de l'Afrique et l'immigration est un défi majeur – et non une menace – pour l'Europe ». En 1930, l'Afrique comptait 150 millions d'habitants. Aujourd'hui, c'est 1,3 milliard d'Africains et, à l'horizon 2050, 2,5 milliards. 40 % de la population en Afrique a moins de 15 ans, deux fois plus qu'en France. Tous les 18 ans, la moitié de la population se renouvelle, générant un « horizon politique bas ». « La structure d'âge de la population est une donnée majeure pour expliquer le paysage humain de l'Afrique ». Ainsi, le conférencier précise que l'absence de démocratie n'a rien de culturelle, mais s'explique, entre autres, par le fait que 50 % de la population ne participe pas aux élections. « Un continent qui vit sur le principe de séniorité où la masse des jeunes n'a pas droit au chapitre ».
 
Dans ce contexte, l'immigration des jeunes Africains est vécue comme une « aventure ». On quitte la campagne pour échapper aux anciens. On immigre pour ne pas passer à côté de la modernité. L'immigration est alors vécue comme un rêve et ne s'explique pas seulement pour des raisons économiques. Sur 10 migrants, 7 immigrent au sein du continent Africain et chaque année, environ 200 000 africains arrivent en Europe. L'immigration vers l'Europe est accessible à la classe moyenne, identifiée, en Afrique, comme ayant un revenu entre 5 et 20 $ par jour. Pour immigrer en Europe, il faut entre 2000 et 3000 €. Plus grandira la classe moyenne en Afrique, plus sera grand le nombre de migrants voulant rejoindre l'Europe.

« Pourquoi l'Europe ? », s'interroge Stephen Smith. Plusieurs explications : la proximité géographique, la post-colonialité et l'existence de diasporas africaines en Europe qui facilitent l'arrivée de nouveaux migrants. « Moins une communauté est intégrée et plus elle joue le rôle d'aspirateur pour l'immigration ». Le conférencier rappelle aussi l'importance de la protection sociale en France. Stephen Smith conclut son intervention comme un aveu : « Si j'étais Africain aujourd'hui, je viendrais en Europe avec ma famille... »

La ruée vers l'Europe n'est pas un terme excessif, ni une expression pour faire peur. « L'Afrique est un continent qui change, il faut négocier avec l'Afrique. Les frontières ne doivent être ni tout à fait ouvertes, ni tout à fait fermées. La sécurisation des frontières fera partie de la solution, mais il faudra attendre au moins une génération pour passer le cap de la transition démographique en Afrique ».

Stephen Smith a publié de nombreux ouvrages et notamment Voyage en postcolonie et la ruée vers l'Europe en février 2018 (Prix du livre géopolitique 2018)

Patrice Saint-André – 8-12-2018

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