23 décembre 2005

Haïku du jour

La tête sous la douche
les gouttes brillent dans le flou
privilège de myope

22 décembre 2005

Forum Ouest France Nantes

Lycée Clémenceau : ascenseur ou escalier social et blouses grises

Le forum s'est récemment fait l'écho du rôle essentiel joué par les classes préparatoires aux grandes écoles dans des lycée comme le lycée Clemenceau . Je partage les points de vue exprimés notamment par le proviseur du lycée quant à la nécessité « d'oser, de se mobiliser, de travailler, et si l'ascenseur social est en panne, de prendre l'escalier ». Cela a toujours été vrai. Sans avoir été élève des classes préparatoires, j'y ai néanmoins vécu pendant plusieurs années autour des années soixante, l'expérience de l'internat et de la promotion républicaine.

Pour les enfants d'origine modeste et éloignés de la ville, l'examen des bourses et l'internat, étaient les passages obligés pour accéder à une formation générale, puis à l'enseignement supérieur. La quasi totalité des coûts d'enseignement et d'hébergement pouvaient ainsi être pris en charge. Le brassage social était incontestable, et constituait une vraie découverte, même si nous étions, nous les fils d' ouvriers et de paysans, très minoritaires.

A côté des « externes » souvent avec veste et cravate, nous nous distinguions par une sorte d'uniforme, propre - au sens métaphorique ! - à tous les internes, classes préparatoires incluses, qui était le port de la blouse grise. C’était notre signe de reconnaissance, d'appartenance, non pas à une classe sociale - même si cela pouvait y ressembler - mais à une sorte « d'ethnie » qui avait ses rites, ses codes, et aussi astreint à un régime disciplinaire qui, à l'époque, était plus napoléonien que post soixante-huitard ! Un privilège nous était toutefois concédé, pour des motifs essentiellement pratiques, et non idéologiques : l'élection démocratique du « Chef de classe », représentant des élèves auprès de l'institution ( le rôle se limitait souvent à la présentation des voeux aux profs en début d'année... ), qui ne pouvait provenir que des rangs des internes. La « campagne électorale » était brève mais souvent animée, et c'était pour les internes, une façon d'affirmer qu'à l'intérieur des murs, le pouvoir - si j'ose dire - s'exerçait différemment de l'extérieur.

Nos blouses grises ne nous donnaient pas d'autres avantages. Enfin je ne pense pas que les professeurs notaient différemment, ou « discriminaient » pour reprendre un terme à la mode, ceux qui se distinguaient ainsi. Le mérite et le travail étaient des valeurs non contestées, et le Bac était en toutes hypothèses, le même juge de paix pour tous...

Publié dans le Forum Ouet-France Nantes le 21 décembre 2005

17 décembre 2005

Haïku du jour

Par vagues successives

elles tourbillonnent dans le vent,

les feuilles mordorées.

16 décembre 2005

Outreau

OUTREAU, TOULOUSE : LES MEMES DERIVES COMPASSIONNELLES

Il y a au moins un point commun entre les désastres judiciaires d'Outreau et de Toulouse ( Mise en examen pour crime de Dominique Baudis dans l'affaire Allègre, clôturée par un non lieu ), c'est la place disproportionnée accordée par le juge d'instruction à la parole de personnes impliquées dans l'affaire et qui jouent les accusateurs.

Dans l'affaire Outreau ce sont Myriam B. et Aurélie G. principales accusées - et condamnées - issues d'un milieu qualifié en d'autre temps de « Quart Monde », qui ont été jugées suffisamment crédibles par le juge Burgaud pour envoyer en détention provisoire et en Cour d'Assises, plus de dix personnes sans le moindre début de preuve. Dans l'affaire Allègre ce sont deux prostituées et un criminel incarcéré qui ont porté les plus graves accusations - mensongères - et qui ont trouvé un juge et une machine judiciaire pour en prendre le relais.

Dans les deux cas la parole de personnes qu'on peut considérer comme socialement défavorisées ou marginalisées, a été privilégiée par rapport à celle de gens ordinaires et honnêtes, ou dans le cas de Toulouse, celle d'un ancien maire et responsable du CSA. Ce n'est pas un hasard. C'est l'illustration du climat compassionnel et de sur-valorisation des victimes qui est l'une des caractéristiques de notre époque. Sous la pression de nombreux médias, c'est tout un état d'esprit qui baigne la société. Légitime quant il s'agit de porter attention aux inégalités choquantes, cet état d'esprit devient aberrant quand il conduit à prêter plus de vertus aux personnes socialement défavorisées, qu'à tout autre, anonyme ou célèbre. Même une institution qui devrait être un modèle de neutralité et de rigueur comme la justice, est traversée par cet air du temps. C'est un curieux renversement de l'Histoire si l'on se souvient de la citation célèbre « Selon que vous soyez puissant ou misérable... ». Certains pourraient y voir une forme de discrimination « positive » ou « négative » se substituant à la loi républicaine. Nous en mesurons les dégâts.

Paru - en partie - dans le courrier des lecteurs du journal Le Monde ( 8 décembre 2005)