31 décembre 2018

Réparer les vivants ..et lancer des ponts

Dans un récit très fort, qui porte le titre " Réparer les vivants",  Maylis de Kérangal suit pas à pas l'aventure d'une transplantation cardiaque d'un jeune surfeur mort subitement vers une personne plus âgée en attente de ce don. C'est une course haletante, millimétrée, qui montre l'extraordinaire mobilisation de tous les acteurs, médecins, chirurgiens, familles, équipes de transport et équipes médicales.
A une échelle - heureusement - plus modeste, je viens de faire l'expérience de la "réparation des vivants" dans ce même service de chirurgie thoracique et cardiaque du CHU de Nantes. C'est une opération "à l'ancienne", très courante - au moins 400 par an - intrusive, qui nécessite 8-10 jours d'hospitalisation, et qu'on appelle pontage. Ce dernier peut être simple, double, triple, quadruple voire quintuple. En l'occurrence, il s'agit de suppléer les rétrécissements des coronaires autour du coeur en créant des dérivations à partir de prélèvements faits sur son propre organisme. Les artères mammaires du thorax sont prises en priorité, puis, si nécessaire, les veines saphènes des jambes. Cette opération est donc un bel exemple de collaboration du chirurgien et du patient, puisque ce dernier apporte " les pièces détachées". Bien sûr cela nécessite de larges cicatrices à la poitrine et aux jambes qui font que " les pontés" se reconnaissent. Et du temps. Et la satisfaction pour un "transbordé nantais" comme moi de voir que tout cela est très efficace...
Ne pas perdre de vue que notre système de santé à un coût (2141, 52 € le tarif journalier d'hospitalisation complète, affiché dans la chambre)) mais aussi une grande efficacité, avec des agents disponibles 24/24 et 7/7. Le calendrier et les fêtes ne sont pas perdus de vue comme en témoigne le menu de Noël, publié ce même jour, que j'ai bien apprécié ! ( Pendant ce temps l'un des chirurgiens de service effectuait une double transplantation coeur-poumon).

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Menu de Noël CHU Nord

16 décembre 2018

Toucher à la fiscalité...

Emmanuel Macron fait l'expérience d'une "loi" fiscale à laquelle sont confrontés les gouvernants qui veulent faire bouger les lignes. Elle peut s'énoncer ainsi : si vous accordez une réduction d'impôts ou une réduction de taxes à une catégorie de contribuables, il est vain d'attendre de leur part une certaine reconnaissance ou un soupçon de gratitude. Nenni ! Cette mesure n'est que la réparation normale d'une grande injustice, ou une mesurette sans importance au regard de tout ce qui est prélevé à côté. A contrario, si vous augmentez une taxe pour un motif à priori justifié ou si vous effectuez un prélèvement  exceptionnel en raison de circonstances exceptionnelles, ou diminuer même de quelques euros un avantage "acquis", vous allez devoir affronter une levée de boucliers contre une injustice sans nom qui vous disqualifie définitivement. On peut en déduire que n'importe quelle disposition nouvelle en matière de fiscalité, fait beaucoup plus de mécontents que de contents, et n'est pas payante politiquement. Faut il alors désespérer de toute réforme fiscale ? je suis parfois incité à le penser. Un exemple flagrant : l'impossible réforme de la fiscalité locale depuis sa mise en place dans les années 70. Tous les projets de réformes mis en oeuvre depuis cette date pour avoir un système plus juste, plus équilibré, suivant l'évolution économique,  sur lesquels l'Administration a travaillé parfois très longtemps, ont tous échoués, le pouvoir politique refusant au dernier moment de courir un risque politique disproportionné. D'où ce dicton des fiscalistes chevronnés " Les seuls bons impôts sont les impôts vieux". Désespérant ? En tout cas je ne crois pas qu'on puisse bouleverser le système du jour au lendemain.

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12 décembre 2018

Les Vénézuéliens immigrent en masse au Pérou fuyant leur pays en ruine

Un ami d'enfance, prêtre à Lima au Pérou, expose à ses correspondants français ce qui se passe actuellement dans son pays d'adoption : l'arrivée massive de Vénézuéliens fuyant la dictature de Maduro.
"Je voudrais vous parler d’ un grand déplacement de population qui a atteint le Pérou, après la Colombie. Il s’ agit des Vénézuéliens qui arrivent en masse à Lima. Ils sont partout. Dans les bus à vendre des chaussons aux pommes. Dans  la rue comme vendeurs ambulants. Dans mon quartier il n’ y a plus une seule chambre à louer, les Vénézuéliens ont tout pris . Ils  s’ entassent là à cinq ou six, hommes et femmes. Dorment par terre. Bons catholiques ma paroisse a nettement augmenté en nombre depuis cinq mois… Le Pérou n’avait jamais connu ça, c’ était au contraire dans les années 90 les Péruviens qui émigraient au Venezuela à cause de la violence politique du Sentier Lumineux. Les migrants du Vénézuéla  au Pérou ont franchi la barre du demi million. Et ils continuent d’ arriver : venant de Colombie, ils passent par l’ Equateur et franchissent la frontière à Tumbes, une petite ville frontalière, qui n’ en peut plus. En Colombie ils sont un million 800.000. Les premiers sont apparus chez nous en mars de cette année. Certains jours d’ octobre à Tumbes dix mille par jour passaient la frontière. Le Pérou a trente millions d’ habitants, la France en a le double ; imaginez qu’ en France un million d’ étrangers débarquent en neuf mois. C’ est arrivé vers 1962 avec les Pieds Noirs (français !) qui quittaient l’ Algérie, mais c’ était le temps des trente glorieuses et le choc n’ a pas été trop dramatique
Que s’ est-il passé ? Qui sont-ils ? Pourquoi le Pérou ?

Il s’ est passé qu’ un dictateur a provoqué la banqueroute à Caracas et il s’ accroche au pouvoir. De nom Maduro. Là-bas les étalages sont vides dans les supermarchés et il n’ y pas le minimum de médicaments dans les Hôpitaux. Les salaires sont tombés à quelques dizaines de dollars par mois. Les migrants que nous recevons ne sont pas les plus pauvres, 53% d’ entre eux ont des études supérieures. Je connais José , il est psychiatre et vend du café dans la rue ; Jonathan qui vient prier avec moi tous les matins est professeur  et il lave la vaisselle dans un restaurant. Des jeunes mamans m’ ont dit : on a eu très peur d’ accoucher chez nous, il n’ y a pas le minimum , on a fermé des maternités. Ici on nous a bien traitées. Pourquoi le Pérou ? Si la politique est gangrenée par la corruption, cependant l’ économie ne va pas si mal. Et Vizcarra notre nouveau président a ramené la confiance, qui va s’ exprimer envers sa personne le 9 décembre par référendum ."
Un point commun avec le récent exposé de Stephen Smith : ce ne sont pas les plus pauvres qui partent, ce sont ceux qui croient en leur avenir et qui vont le chercher là où il apparaît possible.


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L'Afrique un continent qui change



Je remercie Patrice Saint André pour son compte rendu de la conférence de Stephen Smith

Université Permanente – Observatoire des Médias
Afrique et Europe, défis démographiques,
enjeux politiques et économiques
Stephen Smith, professeur d'études africaines à l'Université Duke (USA)

Présentation de la conférence : Jean-Claude Charrier
(7 décembre 2018, amphi 8 de Faculté de médecine)

Stephen Smith, de père américain et de mère allemande, acquiert la culture française par la suite. Des études à Berlin, à la Sorbonne, une année sabbatique en Afrique, Stephen Smith travaille pour Radio France Internationale, puis comme correspondant à Libération et au journal Le Monde. Il est actuellement responsable des études africaines à l'Université Duke en Caroline du Nord aux Etats-Unis. En introduction de la conférence, Jean-Claude Charrier remercie le conférencier et son épouse, Géraldine Smith, journaliste et auteure d'un ouvrage Vu en Amérique, bientôt en France (Stock, octobre 2018) également Rue Jean-Pierre Timbaud (Stock 2016).



 Stephen Smith et Jean-Claude Charrier 

D'emblée, Stephen Smith dresse son constat : « Nous sommes passés à côté de l'Afrique et l'immigration est un défi majeur – et non une menace – pour l'Europe ». En 1930, l'Afrique comptait 150 millions d'habitants. Aujourd'hui, c'est 1,3 milliard d'Africains et, à l'horizon 2050, 2,5 milliards. 40 % de la population en Afrique a moins de 15 ans, deux fois plus qu'en France. Tous les 18 ans, la moitié de la population se renouvelle, générant un « horizon politique bas ». « La structure d'âge de la population est une donnée majeure pour expliquer le paysage humain de l'Afrique ». Ainsi, le conférencier précise que l'absence de démocratie n'a rien de culturelle, mais s'explique, entre autres, par le fait que 50 % de la population ne participe pas aux élections. « Un continent qui vit sur le principe de séniorité où la masse des jeunes n'a pas droit au chapitre ».
 
Dans ce contexte, l'immigration des jeunes Africains est vécue comme une « aventure ». On quitte la campagne pour échapper aux anciens. On immigre pour ne pas passer à côté de la modernité. L'immigration est alors vécue comme un rêve et ne s'explique pas seulement pour des raisons économiques. Sur 10 migrants, 7 immigrent au sein du continent Africain et chaque année, environ 200 000 africains arrivent en Europe. L'immigration vers l'Europe est accessible à la classe moyenne, identifiée, en Afrique, comme ayant un revenu entre 5 et 20 $ par jour. Pour immigrer en Europe, il faut entre 2000 et 3000 €. Plus grandira la classe moyenne en Afrique, plus sera grand le nombre de migrants voulant rejoindre l'Europe.

« Pourquoi l'Europe ? », s'interroge Stephen Smith. Plusieurs explications : la proximité géographique, la post-colonialité et l'existence de diasporas africaines en Europe qui facilitent l'arrivée de nouveaux migrants. « Moins une communauté est intégrée et plus elle joue le rôle d'aspirateur pour l'immigration ». Le conférencier rappelle aussi l'importance de la protection sociale en France. Stephen Smith conclut son intervention comme un aveu : « Si j'étais Africain aujourd'hui, je viendrais en Europe avec ma famille... »

La ruée vers l'Europe n'est pas un terme excessif, ni une expression pour faire peur. « L'Afrique est un continent qui change, il faut négocier avec l'Afrique. Les frontières ne doivent être ni tout à fait ouvertes, ni tout à fait fermées. La sécurisation des frontières fera partie de la solution, mais il faudra attendre au moins une génération pour passer le cap de la transition démographique en Afrique ».

Stephen Smith a publié de nombreux ouvrages et notamment Voyage en postcolonie et la ruée vers l'Europe en février 2018 (Prix du livre géopolitique 2018)

Patrice Saint-André – 8-12-2018

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5 décembre 2018

Stephen Smith invité de l'Observatoire des médias



Stephen SMITH – Ancien journaliste Afrique à Libération puis au Monde (1986-2005), il est actuellement professeur d’études africaines à l’université Duke aux Etats-Unis. Auteur de nombreux essais et reportages sur l’Afrique contemporaine, il a publié au printemps 2018 La ruée vers l’Europe, la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent aux éditions Grasset -Prix d’Académie 2018 de l’Académie française et Prix Géopolitique 2018.

Il interviendra sur ce thème devant l'Observatoire des médias de l'université permanente de Nantes, vendredi 7 décembre de 14 h 30 à 16 h Amphi 8 fac de Médecine ( 8 € pour les non inscrits).

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1 décembre 2018

Ariane Chemin et notre époque




Ariane CHEMIN  est  écrivaine et grand reporter au Monde. Elle a publié de nombreux essais dont plusieurs en collaboration avec Raphaëlle Bacqué, notamment  La communauté en janvier 2018 (Albin Michel) où les deux journalistes du Monde sont allés à Trappes multipliant les entretiens sur place pendant un an. Une enquête fascinante comme une série,  «  un morceau de France, les défis d’aujourd’hui » précise Ariane Chemin. Elle a publié en mai 2018 Toute une époque, enquêtes et reportages 2005-2018-  Edit. Robert Laffont.
Elle était notre invitée à l'Observatoire des médias de l'université permanente de Nantes vendredi 30 novembre sur le thème de son dernier livre.
Comment saisir le tournant de notre siècle, ce basculement entre l'ancien et le nouveau monde ? Pour parler des nouvelles guerres de religion, de la fin des partis politiques, du réveil identitaire ou des fake news, Ariane Chemin a tourné le dos aux analyses et est allée sur le terrain attraper les détails tragiques ou comiques de notre quotidien. Ses croquis sont des fabliaux modernes. Elle raconte Emmanuel Macron à la basilique Saint Denis, le cimetière corse de Michel Rocard et son empathie lucide pour cette ile attachante, mais aussi Clichy-sous-Bois au lendemain des émeutes de 2005, les quartiers nord de Marseille, sa rencontre sidérante avec le « référent » des frères Merah, à flanc de montagne, près de Toulouse. Ariane Chemin a pris le temps de dialoguer avec des ombres oubliées par le tourbillon médiatique comme ce sous-préfet qui, en janvier 2015, dut enterrer son ami Bernard Maris et l’assassin de ce dernier. Elle dresse aussi des portraits qui incarnent l’esprit du temps. D'Élisabeth Levy à Éric Zemmour, de Jean-Luc Mélenchon à Claude Lanzmann, de Michel Houellebecq à Jean D'Ormesson,ou récemment sur cinq numéros du Monde, l'itinéraire du pape François, c'est toute une époque qu'elle raconte de la façon la plus vivante et la plus perspicace. Toute une époque.
"Je suis inquiète du nouveau monde" confiera-t-elle en ouvrant cette conférence débat

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