8 avril 2021

Rwanda : nuances et interrogations nécessaires

 Il y a 27 ans en 1994, le 7 avril dans la Suisse africaine, le Rwanda pays aux milles collines, débutait le génocide de la population Tutsi qui en 3 mois allait faire environ 900 000 morts. C'était au lendemain de l'attentat mortel contre l'avion qui ramenait à Kigali le président Juvénal Habyarimana hutu modéré. Un génocide de voisinage, sans journalistes, à l'écart du monde  et en grande partie à l'arme blanche comme l'a montré Jean Hatzfeld dans ses livres et particulièrement Une saison des machettes (Seuil 2003). Un évènement stupéfiant qui s'inscrit toutefois  dans une histoire de haine et de massacres entre les Hutus et les Tutsis qui peuplent le Rwanda  colonie belge jusqu'à l'indépendance en 1962.

Le rapport de la commission Duclert composé d'historiens a été remis à Emanuel Macron en mars et estime que la France et le cabinet de François Mitterrand ont des " responsabilités écrasantes" dans les évènements qui ont frappé le Rwanda au printemps 1994. 

Tout n'est pas clarifié pour autant.

L’attentat qui a coûté la vie au président Rwandais n’est pas considéré par les auteurs comme déterminant dans le processus et le déclenchement du génocide. Les plus récentes investigations dont celle du juge français Tévidic, semblent écarter la responsabilité du FPR (Front patriotique Rwandais) en guerre avec le régime Hutu en place mais ses forces étaient bien à proximité de Kigali au moment de l’attentat. Cette thèse avait été retenue par le juge Brugière et avait entrainé des inculpations. Par ailleurs depuis 1994 le pouvoir est détenu par Paul Kagamé qui exerce un pouvoir efficace mais autoritaire. Il est en situation de rester au pouvoir jusqu'en 2036. Les investigations sur les circonstances précises de l’attentat ne sont pas forcement facilitées.

L’analyse de la situation rwandaise par la cellule élyséenne autour de François Mitterrand était erronée et orientée à bien des égards mais que fallait-il faire exactement ? «  Donner les clés » au FPR (Front patriotique Rwandais) de Paul Kagamé qui était aux portes de Kigali ? Adopter la position des Belges, ex-puissance coloniale au Rwanda, qui après l’assassinat de dix militaires belges chargés de la protection de la Première  ministre, ont immédiatement décidé de quitter le pays ? Qu’aurait dit de la France  la communauté internationale si nous avions eu cette attitude de Ponce Pilate ?

A la différence des Belges, nous sommes toujours restés dans les clous fixés par l’ONU. Malgré toutes les critiques l’opération humanitaire Turquoise intervenue en juin, certes tardive, a néanmoins  sauvé des milliers de vies humaines.

La défense par François Mitterrand d’une zone d’influence francophone n’était pas en soi illégitime de même que le pari démocratique qu’il faisait pour le Rwanda avec son ami le président Habyarimana. Bien sûr tout cela vole en éclat avec le génocide intervenu dès avril  1994 sous l'impulsion des extrémistes Hutus, mais n’est-ce  pas excessif au-delà de l’aveuglement  des autorités françaises d’établir un lien de causalité voire pour certains, un lien de complicité dans ce génocide ?

J’ai envie dans ce dossier face aux interprétations abruptes de nombreux commentateurs d’introduire quelques nuances.


Libellés : , , , , , ,

16 janvier 2012

Le secret des sources : pas d'accord

Transmis ce jour à Jean-Marc Four à propos de sa dernière émission, " Le secret des sources" samedi 14 janvier qui abordait le Rwanda dans sa deuxième partie
la partie de l'émission du 14 janvier 2012 sur le Rwanda m'a choqué par son côté unilatéral et manichéen. Est-ce un journaliste qui a permis de donner crédit à la version dévoilée la semaine passée sur la responsabilité d'extémistes Hutus dans l'attentat contre le président rwandais en 1994 ? Non c'est un juge d'instruction, le juge Trévidic dont les expertises balistiques sont à priori convaincantes. Sa thèse contredit celle du juge Brugières ainsi que les enquêtes de Pierre Péan traités tout les deux avec mépris et condescendance sous prétexte qu'ils n'auraient pas enquêté au Rwanda. Mais peut-on enquêter au Rwanda lorsque les éléments dont on dispose mettent en cause le président Kagamé chef des Tutsis de l'extérieur en 1994 et au pouvoir à Kigali depuis cette date ? D'autant que l'exercice de ce pouvoir est pour le moins très autoritaire et peu démocratique. Ils n'auraient pas été les bienvenus !
J'ai regretté que Jean-Marc Four n'ai pas eu un mot pour défendre l'honneur professionnel de Pierre Péan, absent du studio. Sera-t-il invité prochainement pour le faire ?

Libellés : , , , , ,