16 mai 2011

DSK, la justice américaine et sexus politicus


Extrait de 50 ans de Paris Match ( p.244)En voyant ce matin DSK à la sortie des locaux de la police new yorkaise menotté dans le dos et tenu par deux policiers en civil, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Lee Harvey Oswald - assasin présumé de JF Kennedy - qui le 23 novembre 1963 était dans la même position dans les sous-sols de la prison de Dallas au moment où Jack Ruby est venu l'assassiner à bout portant. Il y a une grande violence dans ces images et les médias français ont mis longtemps a se rendre compte que DSK, en dépit des pratiques américaines pouvait aussi avoir droit à la protection de son image. Mais tout cela n'a eu aucune influence sur la diffusion en boucle de l'audience devant la juge, des transferts humiliants avec la veste défaite...
Sur la vraie vie de DSK beaucoup de champions médiatiques de la transparence en savent beaucoup plus qu'ils n'en disent. Une partie du voile avait été levé il y a quelque temps avec la parution d'un livre sérieux en dépit du titre " Sexus politicus" de Christophe Deloire et Christophe Dubois (Albin Michel en 2006). Un chapitre est consacré à " L'affaire DSK" ( il refusera de recevoir les journalistes à ce sujet).Des choses " off" y sont révélées dont la rencontre avec la journaliste Tristane Banon - dont le nom n'était pas citée - mais qui s'est fait connaître aujourd'hui en indiquant qu'elle voulait porter plainte pour agression sexuelle contre DSK (les faits remontent à 2003...)
Sur la présomption d'innocence il suffit de se rappeler l'incroyable campagne de presse de l'été dernier à l'égard de Eric Woerth qui a ma connaissance n'est toujours pas sous l'objet d'une mise en examen mais qui a été à la une du Monde, de Médiapart,et de Libération, pendant des semaines. Il vient de sortir un livre où il estime avoir été "livré aux chiens" selon l'expression de François Mitterrand aux obsèques de Pierre Bérégovoy. Un exemple mineur mais significatif dans la bouche d'une journaliste de France Info, il y a quelques jours, parlant de terrains de l'hippodrome de Compiègne " bradé" à la société des courses...

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3 avril 2011

Claude Sérillon : le nantais invité de l'OUM





1er avril ensoleillé à Nantes pour accueillir Claude Sérillon, invité de l'Observatoire universitaire des médias de l'université permanente. Conférence débat très ouverte, interactive, sur le rôle la responsabilité des journalistes et particulièrement des journalistes télé. Je reviendrais sur la conférence, mais je voulais d'emblée - on en a beaucoup parlé vendredi dernier - revenir sur le très beau texte, lucide, sans faux fuyants, publié par Claude Sérillon dans Le Monde en mai 1993 quelques jours après le suicide de Pierre Bérégovoy.
Extraits

JE ne suis pas innocent. Je suis journaliste depuis suffisamment de temps pour ne pas méconnaître la responsabilité collective.
Prenons au pied des lettres l'avertissement. Par une curieuse coïncidence, depuis peu d'années, des magistrats et des journalistes semblent se réunir pour animer l'actualité et se placer en redoutables arbitres de ce qui est bien, de ce qui est mal, de ce qu'il convient de dénoncer et de ce qu'il faut absolument penser. Travaillant en duettistes parfois, ils alimentent tout autant leurs dossiers d'instruction que leurs colonnes ou leurs minutes de comptes rendus radiotélévisés. Tous les deux également le font, du moins officiellement pour le service du public : les juges siègent au nom du peuple français, les journalistes sont là, rappellent-ils, pour contenter le droit naturel du public d'être informé. Tous les deux (mais surtout et de façon indiscutable les magistrats) n'ont rien ou presque rien à craindre. Quelle sanction, en effet, pour des journalistes qui, passant leur temps à s'auto-informer, provoquent, même involontairement, des drames, quelle sanction pour un juge qui se trompe, qui persiste dans l'erreur et laisse ainsi des femmes et des hommes en prison, mourir, parfois. Pour ces derniers, l'appréciation se fera en interne et, pour les premiers, la chimère d'un Conseil de l'ordre présente plus de dangers que d'intérêt.
Il est bien instructif de lire l'ouvrage réalisé sous la férule de Pierre Bourdieu relatant la misère du monde et donnant la parole à des Français, des gens simples des " gens de peu ". La machine médiatique (assurément plus celle de l'audiovisuel mais sans qu'il soit juste de dédouanner les quotidiens ou magazines de presse écrite quels qu'ils soient) ne s'en préoccupe guère puisqu'ils ne font pas partie du cercle. Les journalistes sont essentiellement voyeurs de leur monde, de celui qu'ils lisent sur d'autres supports, de celui qui leur est transmis par des satellites par d'autres journalistes. Il en résulte un vertigineux enchaînement interrompu quelquefois par une catastrophe, des flots de sang ou encore, au hasard, un cri humain perdu ! A l'intérieur de ce cercle, les hommes politiques, les activistes militants, les femmes et les hommes de pouvoir, prisonniers volontaires du spectacle public, puisqu'il n'y a apparemment pas d'autres moyens de faire savoir ce que l'on croit. Et comme leurs paroles ou leurs actes ne suffisent plus à faire monter l'audience, ils sont désormais désarmés face à des coalitions perverses d'hommes de presse et d'hommes de loi. Les obligations du marché alliées aux obsessions de l'indépendance. Mais de quelle indépendance s'agit-il ? En tout cas, pas celle de l'esprit ni celle de la connaissance. On craint qu'il ne soit question que de la protection de son corps professionnel ou de la rentabilité de son produit journalistique.
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Petit à petit (au bénéfice du doute), les journalistes se sont pris au jeu de l'exercice du contrôle des pouvoirs et se désignent avec une belle et redoutable assurance comme les pesons d'une balance où les hommes jugés n'ont d'autres ressources que le silence s'ils veulent au minimum survivre, au risque d'être définitivement pressentis délinquants voire criminels. On objectera non sans raison que la vie publique est dure, que les petits malins grouillent dans tous les camps, qu'il est nécessaire que la presse soit un contre-pouvoir. Mais au nom de quelle morale commerciale ou culturelle en est-on arrivé à jeter en pâture " aux chiens ", comme le dit le président de la République, mais plus généralement à l'opinion publique (cette catin, selon l'expression de Me Moro Giafferi, " qui n'a pas sa place dans une enceinte de justice "), qui n'en demande à vrai dire pas tant. Si nous avions un peu plus souvent la pertinence de la modestie, du respect d'un secret d'instruction (et se retrouvent là juges et journalistes complices du débordement), je gage que des tourments personnels comme ceux du jeune maire Yves Laurent (maire PS de Saint-Sébastien-sur-Loire), dont le nom fut cité dans l'affaire Trajer par plusieurs journaux et qui se donna la mort en septembre 91) et du vieux militant Pierre Bérégovoy auraient connu une autre fin.
C'est à chacun d'entre nous, porteur d'une carte de presse et, pardon d'y revenir pour ceux et celles qui y voient un outrage à la justice, aux magistrats d'y songer. Il ne suffira pas de hausser les épaules ou pis encore de dresser un partage entre les uns plus coupables que les autres pour quitter ces marécages. A proportion du nombre de personnes qui nous lisent ou nous regardent, les exigences sont terribles. Peut-être avons-nous cru que rendre compte d'une information pouvait aisément flirter avec un système fondé sur des photocopies, des on-dit, des rapports dérobés. Je ne crois pas que nous ayons pour fonction de séparer le bon grain de l'ivraie. Notre emploi n'est pas au-dessus des autres. Il ne saurait y avoir des journalistes (des juges) et puis le reste du peuple auquel on montre, comme à la foire, ses élus. Juger, c'est déjà ne pas comprendre, m'en souvient-il. Et si nous reprenions tout simplement un travail d'explication, sans chercher à plaire ou à déplaire, à faire ou à défaire, à détruire ou à donner des conseils, en respectant une hiérarchie d'information ? C'est-à-dire en éclairant des événements qui n'ont pas tous la même importance mais qui, mis les uns àcôté des autres, donnent aux citoyens toutes les capacités, pour eux et pour eux seulement, d'apprécier la vie des hommes, petits ou grands, qui leur ressemblent.
SERILLON CLAUDE
+ Photos de Claude Sérillon à Nantes

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